Toutes les ressources pour exercer sereinement votre art

Comment s’assurer quand on est artiste-auteur

Il est souvent tentant de réduire ses coûts d’assurance, en pensant que les risques sont minimes ou gérables sans couverture spécifique. Cependant, un incident peut arriver à tout moment : un dégât des eaux dans l’atelier, une œuvre abîmée lors d’un transport, un accident avec un visiteur pendant une exposition… Prendre le temps de s’informer et de souscrire une assurance adaptée permet de se protéger contre des dépenses potentiellement lourdes et inattendues.

Les assurances dédiées aux artistes couvrent trois principaux domaines : l’atelier, les œuvres (et leur transport éventuel), la responsabilité civile. Nous allons voir pour chacun d’entre eux s’il est nécessaire de souscrire une assurance spécifique.

L’assurance de votre lieu de travail

Avant de parler des assurances professionnelles, faisons un point sur la multirisque habitation, appelée aussi assurance risque locatif. Celle-ci couvre l’assuré en cas de dommages occasionnés au logement loué pour les risques les plus courants : incendie, dégât des eaux, catastrophe naturelle… Si vous n’êtes pas locataire (par exemple si vous êtes propriétaire ou copropriétaire), la décision de prendre une assurance multirisque vous revient. Mais elle est évidemment plus que conseillée.

Les mêmes règles d’obligation d’assurance s’appliquent pour les locaux commerciaux ou professionnels. Si vous êtes locataire d’un atelier ou d’un local commercial, vous devez souscrire une assurance multirisque professionnelle. Cet impératif ne concerne pas les propriétaires qui jugent seuls de leurs risques. Cependant, si vous possédez un bien en copropriété, vous devez prendre une assurance de responsabilité civile, nous verrons cela plus loin.

Si votre atelier est à votre domicile, vérifiez auprès de votre assureur que vous êtes bien couvert pour un usage professionnel. Il est possible que celui-ci vous demande une déclaration spécifique pour cette activité, avec une cotisation en conséquence.

Attention : ne pas informer son assureur ou tenter de réduire les cotisations en omettant de mentionner le caractère professionnel de l’espace (ou d’une de ses parties) peut entraîner une résiliation du contrat ou un refus d’indemnisation en cas de sinistre lié à votre activité.

picto loupe

Que vérifier dans le contrat multirisque de votre atelier ?

Surface assurée : correspond-elle bien à la totalité de votre atelier ? Même question pour l’activité. L’activité assurée correspond-elle bien à votre activité réelle ?

Franchise : regardez son montant, négociez la si besoin. Vérifiez s’il y a des franchises particulières en fonction des garanties.

Risques couverts : vérifiez bien toutes les garanties. Le vol est-il inclus par exemple ? Si oui pour quel montant ? Souhaitez-vous une garantie « perte d’exploitation », souvent optionnelle ?

Montant des garanties : la valeur assurée peut être déterminée par garantie en fonction de votre garantie. Il ne faut pas hésiter à négocier.

Territorialité : une prise en charge des dommages matériels hors des locaux est-elle prévue ?

Mon conseil :

Je sais qu’on le fait rarement, mais ne vous arrêtez pas au seul intitulé des garanties. Prenez le temps de lire les conditions générales de votre assurance (votre contrat détaillé) et surtout les « exclusions de garantie ». Car lors d’un sinistre, ce sont ces exclusions que votre assurance fera jouer.

La responsabilité civile

L’assurance de responsabilité civile couvre l’assuré contre des dommages qu’il peut causer à des tiers. Il existe différents types de responsabilités civiles liées à vos contrats d’assurance : risque locatif, voiture, vie scolaire, activités sportives par exemple.

Le plus souvent, l’assurance multirisque habitation comprend une responsabilité civile habitation (appelée aussi garantie recours des voisins et des tiers), même si cette assurance n’est pas obligatoire pour les locataires. Cette garantie est complétée par une responsabilité civile « vie privée » qui couvre notamment les dommages causés à un tiers en dehors de la vie professionnelle, par exemple lors d’un échange de services, une activité de baby-sitting d’un enfant mineur, un accident avec votre tondeuse à gazon, etc. Quant aux copropriétaires au sein d’une copropriété, ils doivent obligatoirement souscrire une assurance responsabilité civile qui les assurera envers la copropriété, les autres copropriétaires et les locataires.

Les artistes-auteurs se voient souvent demander une assurance responsabilité civile professionnelle quand ils exposent dans un salon, sur un marché par exemple… Qu’en est-il exactement ? Comme son nom l’indique, cette garantie couvre les risques liés à l’activité professionnelle. Elle est obligatoire pour certaines professions, comme les professions médicales, les notaires, les avocats, les professionnels du BTP, mais pas pour les artistes auteurs. C’est donc à chacun d’estimer si cette assurance lui est nécessaire.

Prenez le temps de lire votre contrat d’assurance. Si le celui-ci précise que sont exclus les dommages issus d’une activité professionnelle, il vaut sans doute mieux compléter votre garantie. La responsabilité professionnelle couvrira par exemple les accidents impliquant une œuvre ou des installations, comme une sculpture mal fixée qui tombe sur un visiteur ou une personne blessée lors d’un atelier ou d’un cours.

Pour choisir cette responsabilité civile professionnelle, contactez d’abord votre assurance multirisque et demandez un devis pour une extension de garantie. Si votre activité d’artiste-auteur ne provoque pas de risques importants, une RC pro devrait vous coûter de 100 à 200 euros par an. Si vous estimez le devis trop élevé, demandez des devis à d’autres assureurs.

À noter : le montant d’une RC pro dépend notamment du niveau de votre chiffre d’affaires. Plus ce dernier est élevé, plus le coût sera important.

Assurer ses œuvres

La protection des œuvres, que ce soit à l’atelier, lors d’une exposition ou durant le transport, doit également être envisagée quand on est artiste-auteur. Il faut savoir qu’une multirisque habitation ou une responsabilité civile personnelles ne couvriront pas la destruction de vos œuvres lors d’un sinistre. Il faut souscrire une garantie complémentaire (souvent onéreuse) si vous le souhaitez.

Si vous exposez dans une galerie, un centre d’art, l’assurance des œuvres doit normalement être prise en charge par le lieu exposant. Il faut toujours vérifier dans votre contrat que cette clause est bien indiquée. Si vous participez à un marché d’art ou un salon, l’assurance des œuvres n’est en général pas prévue. Il incombe donc à l’artiste de s’assurer lui-même pour les risques de dégradation, vol ou perte, sans oublier les intempéries si vous exposez à l’extérieur.

Deux options principales d’assurance sont disponibles :

  • L’assurance « clou à clou » qui couvre l’œuvre depuis sa sortie de l’atelier jusqu’à son retour, englobant le transport et l’exposition.
  • L’assurance « simple séjour » qui couvre uniquement l’œuvre pendant la durée de l’exposition, idéale pour les œuvres transportées par l’artiste lui-même.

Pour une exposition ponctuelle, un descriptif précis des œuvres et leur valeur estimée doit être fourni à l’assureur. Il est recommandé de déclarer la valeur de l’œuvre en tenant compte de votre notoriété et de vos ventes passées. Car en cas de sinistre, une preuve de cette valeur peut être demandée, comme des factures de vente ou des résultats de ventes aux enchères.

SI vous envoyez des œuvres via un transporteur, vous pouvez prendre une assurance pour couvrir votre envoi. Mais vérifiez toujours que celle-ci couvre les œuvres d’art, car c’est souvent une exclusion des contrats.

picto loupe

Petit lexique de l’assurance

Dans les contrats d’assurance, vous pouvez voir ces deux appellations :

— Valeur agréée

Fixée d’un commun accord entre l’assureur et l’artiste, souvent avec l’aide d’un expert. Elle concerne généralement les œuvres de grande valeur.

Valeur déclarée

L’artiste estime lui-même la valeur de l’œuvre. En cas de sinistre, l’assureur peut demander des preuves, comme des factures de ventes d’œuvres équivalentes ou des résultats de ventes aux enchères.

Conseils pratiques pour limiter les risques

S’assurer c’est bien, mais adopter certaines bonnes pratiques pour limiter les risques d’incidents, c’est encore mieux.

Prévenez les incendies :

Les matériaux inflammables (solvants, huiles) doivent être rangés soigneusement à l’abri de la chaleur et loin des sources d’inflammation. Les chiffons imbibés de solvants doivent être éliminés régulièrement pour éviter tout risque de combustion spontanée. Cette mésaventure arrive plus souvent qu’on ne pense.

Sécurisez les œuvres lors des expositions :

Les cadres doivent être solides, avec des fixations adaptées au poids des œuvres. Il faut éviter les sous-verres à pince, pas assez résistants, pour les œuvres sur papier, et les petites sculptures en bronze, souvent tentantes pour les visiteurs, doivent être protégées par une vitrine ou solidement fixées à leur socle.

Emballez bien vos œuvres pour le transport :

La protection d’une œuvre passe par un emballage multicouche. Un film antistatique ou du papier cristal isole la surface de l’œuvre de l’emballage. Un carton rigide protège la toile d’un transpercement. Plusieurs couches de papier bulle assurent une résistance optimale. Les coins, souvent fragiles, nécessitent des protections en mousse. Cet assemblage est ensuite placé dans un carton double ou triple cannelure pour les peintures et les œuvres en 2D. Pour les sculptures, il faudra prévoir de la mousse pour caler l’œuvre.

Si vous ne vous chargez pas vous-même du transport, demandez-vous si votre œuvre résistera aux mauvais traitements : paquet cogné, retourné, jeté dans le camion. Si vous n’êtes pas sûr de votre coup, revoyez votre emballage ! Pour info, dans le transport de marchandises, une norme ISO mesure la solidité d’un emballage en le faisant tomber plusieurs fois de suite de hauteur d’homme.

Où souscrire une assurance pour artistes ?

Vous pouvez demander à votre assureur habituel une extension de garantie ou vous tourner vers des assureurs proposant des offres spécialisées comme Hiscox ou Henner. Pour trouver, tapez « assurance artiste auteur » dans votre moteur de recherches favori. Pour choisir l’assurance la plus adaptée, je vous conseille de demander 3 ou 4 devis. Ne vous arrêtez pas au seul prix, comparez les garanties et franchises en fonction de votre activité et négociez des modifications en fonction de vos besoins. En cas de doutes et d’incompréhensions, n’hésitez pas à poser des questions à l’assureur.

Enfin, n’oubliez pas de mettre à jour vos contrats en fonction de l’évolution de votre activité. Vous pouvez aussi faire jouer régulièrement la concurrence en respectant les délais de résiliation (le plus souvent, avec un préavis de deux mois avant l’échéance annuelle pour les assurances « pro »).

Comment déclarer le remboursement d’une assurance ?

Les indemnités versées par les assurances concernant votre sphère professionnelle doivent être intégrées dans votre chiffre d’affaires et déclarées à l’Urssaf Artiste-auteur et aux impôts. Pour les artistes-auteurs en déclaration contrôlée, il faut en général indiquer ces sommes comme « transferts de charges » dans votre comptabilité. Vous déduirez bien sûr tous les frais liés au sinistre (malheureusement pas possible pour les micro-bnc).

Et en cas de souci avec votre assurance ?

Vous pouvez saisir le Médiateur de l’Assurance via le formulaire en ligne sur le site www.mediation-assurance.org ou par courrier : La Médiation de l’Assurance, TSA 50110, 75441 Paris Cedex 09

picto loupe

Et pour les risques du travail ?

L’assurance maladie propose une assurance volontaire non obligatoire pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La Sécurité sociale des artistes auteurs a édité une fiche pratique à ce sujet : https://www.secu-artistes-auteurs.fr/mag-connaissez-vous-lassurance-volontaire-contre-le-risque-des-accidents-du-travail-et-maladies

« Mon atelier a été vandalisé, mais j’ai été bien dédommagée.»

Emilie Passal, atelier

Découvrez les créations insolites de l’artiste : emiliepassal.com

Mon atelier, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble collectif à Saint-Girons, en Ariège, est ouvert au public. Pendant l’hiver, je le ferme. Un jour de décembre 2021, j’ai reçu un appel d’un des locataires de l’immeuble qui m’a informée que la porte arrière de mon atelier, donnant sur les parties communes, avait été enfoncée et qu’une forte odeur d’essence s’en dégageait. Je me suis précipitée sur place et, en arrivant, j’ai constaté l’ampleur des dégâts. Inquiète que des intrus puissent encore s’y trouver, j’ai immédiatement appelé la gendarmerie. Heureusement, lorsque les gendarmes sont arrivés, ils ont confirmé que le local était vide. Le sol était jonché de meubles renversés, rien n’avait été volé, mais de l’essence avait été répandue partout, y compris sur les meubles et mes sculptures.

Très vite, l’enquête a conduit à un voisin souffrant de troubles psychiatriques, qui avait laissé un bidon d’essence sur son paillasson. Il a reconnu les faits et a été interné.

Après cet acte de vandalisme, j’ai contacté mon assurance qui m’a conseillé de porter plainte, même si la gendarmerie m’avait dit que cela ne servirait à rien. J’ai ensuite soumis une déclaration détaillée, listant les dégâts, y compris les sculptures endommagées et leur valeur estimée. Je craignais particulièrement pour les œuvres d’une autre artiste qui étaient stockées dans l’atelier et qui risquaient de ne pas être couvertes. De plus, je n’avais pas de factures pour certains meubles, achetés d’occasion auprès de particuliers.

L’assureur a dépêché un expert de Toulouse, spécialisé dans les œuvres d’art, même s’il a fallu plusieurs relances avant sa venue. L’expertise s’est bien déroulée. J’ai reçu un premier versement un mois après l’intrusion pour réparer la porte afin de sécuriser le lieu. Puis le reste, un mois et demi plus tard. Pour le mobilier, le matériel et les œuvres, le remboursement a été basé sur mes déclarations, avec une déduction de 20 % pour vétusté. L’assurance a également couvert le temps que j’ai passé à nettoyer l’atelier. Les œuvres de l’autre artiste ont été indemnisées, ce qui m’a à la fois étonnée et soulagée.

Il faut dire que j’avais changé récemment d’assurance, quittant mon ancienne qui ne couvrait pas le transport des œuvres. Je m’étais tournée vers la MAIF, plus complète, qui m’assure pour le local, la responsabilité civile, l’exploitation professionnelle, le mobilier, l’outillage, les marchandises et le stock notamment. Lors de la souscription, j’avais soigneusement examiné les garanties et négocié les montants assurés, sachant que si j’avais peu de matériel, mes sculptures avaient une certaine valeur.

Au final, j’ai été remboursée 5 630 euros environ, un montant que j’ai trouvé correct. Je n’ai pas été indemnisée pour la perte d’exploitation, car l’atelier était normalement fermé à cette période. Cependant, le temps consacré au nettoyage et à la remise en ordre a eu un impact négatif sur ma production. Je paye actuellement 500 euros par an pour assurer mon local et mon activité. C’est un investissement, mais après cet incident, je ne regrette pas cette dépense. Je recommande aux artistes de ne pas négliger une bonne assurance professionnelle, tout en choisissant celle qui correspond le mieux à leurs besoins, et en comparant soigneusement chaque clause.


illustration, dictionnaire, personnage lisant

Pour aller plus loin

Les assurances du  logement par un propriétaire :

Pour la comptabilisation des indemnités d’assurances :


Êtes-vous bien assuré-e ?

Vous êtes-vous intéressé-e à la question des assurances pour votre activité ? Avez-vous-négocié des clauses spécifiques ? Avez-vous connu des mésaventures avec votre assurance alors que vous pensiez avoir bien fait les choses ? Partagez votre expérience en commentaire, c’est utile à tous !


Partagez si vous aimez ! Merci !


L’AUTEURE

Valérie Auriel

Artiste peintre et journaliste, Valérie est une grande curieuse, assez perfectionniste (limite maniaque 😉 ). Elle met en synergie ses deux expériences professionnelles pour débroussailler la jungle administrative des métiers des arts visuels, explorer leurs coulisses. Et elle partage avec vous ses connaissances pour que vous exerciez votre art en toute sérénité !

Abonnez-vous
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x

Téléchargez le Guide GRATUIT des 130 sites indispensables pour les artistes auteurs

Dans ce guide pdf, j’ai recensé plus de 130 sites internet très utiles : matériel moins cher, services d’impressions ou d’encadrement, conseils aux artistes, comptabilité en ligne, etc… Très pratique : les liens sont cliquables et directement accessibles !