SACEM, SCAM, SACD, SAIF, ADAGP, vous avez peut-être vu ces appellations sans toujours comprendre leur signification. Il s’agit d’OGC, de sociétés de gestion de droits d’auteur. Celles-ci jouent un rôle important dans la protection et la valorisation des droits d’auteur des artistes. Mais comment fonctionnent-elles et quels services offrent-elles aux créateurs ? Cet article vous apporte toutes les réponses, avec en bonus une interview de la directrice juridique de la SAIF, un OGC dédié aux arts visuels, qui partage son expertise sur le sujet.
En tant qu’artiste auteur, vous investissez temps, énergie et créativité dans vos œuvres. Mais que se passe-t-il une fois qu’elles sont diffusées, partagées, exposées ? Comment protéger et valoriser votre travail dans un environnement où la circulation des œuvres est rapide et souvent incontrôlée ? C’est ici qu’interviennent les sociétés de gestion de droits d’auteur (qu’on appelle aussi OGC, pour organismes de gestion collective), des alliés précieux pour la défense de vos droits d’auteur.
Les sociétés de gestion de droits d’auteur en bref
Ce sont des structures chargées de collecter et de redistribuer les redevances de droits d’auteur au nom des créateurs. Les OGC sont constitués sous la forme de sociétés civiles dont les artistes membres sont sociétaires. Vous pouvez ainsi participer aux assemblées générales et voter sur les décisions qui influencent directement la gestion de vos droits.
En France, ces organismes agissent pour le compte des artistes auteurs dans différents secteurs : la musique, les arts visuels, l’écrit, l’audiovisuel, etc. Par exemple, la SACEM s’occupe des droits dans le domaine musical, tandis que l’ADAGP et la SAIF représentent les artistes des arts visuels. Les OGC assurent non seulement la collecte des redevances de droits d’auteur lorsque vos œuvres sont utilisées, mais aussi la répartition équitable des sommes recueillies entre les créateurs.
L’adhésion à une société de gestion de droits d’auteur n’est pas obligatoire, mais elle est très conseillée. En tant qu’artiste auteur, il est parfois difficile de suivre toutes les utilisations de vos œuvres. Les OGC disposent des moyens techniques et juridiques pour surveiller les diffusions, négocier des licences et collecter les redevances correspondantes. Ils veillent également à la protection de vos droits en cas de litige. Concrètement, une société de gestion de droits d’auteur vous assure de percevoir une rémunération chaque fois que votre création est exploitée, même au niveau international, grâce à des accords de réciprocité avec des organismes étrangers.
AVIS D’EXPERT-E
« Adhérer à une société de droits d’auteur, un réflexe à avoir pour les artistes »
Agnès Defaux, directrice juridique à la SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe)
Pour découvrir la SAIF : https://www.saif.fr/
Le Guide de l’Artiste : Quelles sont les missions d’un organisme de gestion collective ?
Agnès Defaux : Un OGC a pour mission principale de percevoir et de répartir les droits des auteurs membres. Nous gérons deux types de droits : les droits individuels et les droits collectifs. Les droits individuels sont ceux qu’un artiste gère lorsqu’il cède ses droits d’auteur, tels que le droit de reproduction et le droit de représentation*. Cela concerne, par exemple, la publication d’une photographie ou d’une illustration dans un livre, un magazine. En adhérant à la SAIF, l’auteur peut choisir de nous confier cette gestion ou de traiter directement avec les diffuseurs. La gestion des droits individuels est chez nous facultative. En ce qui concerne les droits collectifs, leur gestion est automatiquement dévolue par la loi aux OGC, car il est impossible pour un auteur de gérer seul les multiples exploitations de ses œuvres. Seuls les OGC sont habilités à percevoir et à répartir ces droits, sans possibilité pour l’auteur de s’y opposer.
Quelle est la nature de ces droits collectifs ?
Il existe plusieurs types de droits collectifs. La rémunération pour copie privée compense la liberté accordée par la loi à chaque personne de réaliser des copies des œuvres pour son usage personnel. Pour cet usage, une rémunération est perçue sur les ventes de supports numériques vierges tels que les clés USB, smartphones, tablettes, cartes mémoires, disques durs externes, etc.
Un autre droit collectif concerne le droit de reprographie, pour compenser les photocopies effectuées des œuvres. Le Centre Français du droit de la Copie (CFC) collecte des redevances auprès des usagers tels que l’Éducation nationale, les bibliothèques ou encore les services de reprographie. Une partie de cette somme est versée à la SAIF, qui la répartit ensuite entre ses membres notamment sur la base de leurs déclarations de publications dans la presse ou l’édition.
La SAIF gère également le droit de retransmission, payé par les opérateurs et le droit de prêt public en bibliothèque Un auteur ne peut pas interdire que son ouvrage soit mis à disposition dans une bibliothèque publique, mais en contrepartie, il reçoit une rémunération pour cet usage.
Les OGC négocient aussi des accords avec les plateformes internet comme Facebook, Instagram, et Pinterest pour qu’une rémunération couvre le partage d’images par des personnes qui n’en sont pas les auteurs.
En plus de ces différentes missions de perceptions de redevances de droits d’auteur, la SAIF a aussi pour buts d’informer les auteurs, de défendre la profession et de mener des actions culturelles. Ces dernières incluent l’aide à la diffusion des œuvres, la formation professionnelle, l’attribution de prix, de bourses, ainsi que des aides aux festivals…
Comment les OGC aident-ils concrètement les artistes-auteurs dans la gestion et la protection de leurs droits d’auteur ?
Dès que l’auteur confie à la SAIF ses droits patrimoniaux*, la SAIF en devient titulaire et les exerce en son nom. En agissant comme intermédiaire entre l’auteur et son diffuseur, la SAIF protège l’auteur contre des tarifs trop faibles, établit les autorisations et les contrats pour son compte, perçoit les sommes dues et les répartit ensuite à l’auteur, après déduction de ses frais de gestion. Notre service juridique peut également l’assister en cas de contrefaçon. La SAIF est habilitée à autoriser les exploitations, mais peut aussi les interdire. Enfin, à la SAIF, nous proposons une banque d’images pour permettre aux auteurs de valoriser et de diffuser leurs œuvres. Cette offre est gratuite jusqu’à 50 œuvres déposées.
Comment répartissez-vous entre les auteurs les revenus issus des droits collectifs ?
Pour les auteurs dont nous ne gérons pas l’intégralité des droits et dont nous ne connaissons pas les exploitations de leurs œuvres, nous envoyons chaque année des bordereaux de déclaration et un questionnaire d’activité. Ces documents nous permettent de connaître les types d’œuvres réalisées par l’auteur. Nous leur demandons par exemple d’indiquer leurs parutions dans la presse ou dans les livres. Ces informations nous aident à répartir les droits collectifs, selon différentes clefs de répartition. À la SAIF, nous avons une particularité : une partie des droits collectifs est distribuée à tous les sociétaires. Ainsi, chacun reçoit un peu d’argent en fin d’année.
Comment adhère-t-on à une société de gestion de droits d’auteur ?
Un artiste qui souhaite adhérer à un OGC souscrit une part sociale, dont le montant varie selon les OGC. Cette part est de 15,24 € à la SAIF, elle n’est due qu’une seule fois. Cette somme peut être déduite des prochains droits perçus. Lors de l’adhésion, il faut fournir certains documents, notamment un justificatif prouvant la qualité d’auteur.
Pourquoi la SAIF a-t-elle été créée et en quoi se distingue-t-elle de l’ADAGP ?
L’ADAGP est antérieure à la SAIF, mais avant la SAIF, il existait une autre société de gestion des droits d’auteur pour les arts visuels, la SPADEM. Cette dernière a été mise en liquidation judiciaire dans les années 90, et certains de ses auteurs ne se sont pas tournés vers l’ADAGP. En outre, plusieurs organisations professionnelles des arts visuels ont alors souhaité créer une nouvelle société de gestion des droits d’auteur, car elles ne se retrouvaient pas dans le fonctionnement de l’ADAGP.
Comment choisir entre ces deux sociétés des arts visuels ?
Il n’est pas possible d’adhérer à deux sociétés de gestion des droits d’auteur pour les arts visuels : il faut faire un choix. Je conseille aux artistes de consulter les sites internet de ces deux OGC et de voir lequel leur convient le mieux. Si un artiste exerce plusieurs activités artistiques, il peut adhérer aux différents OGC de ces domaines. Par exemple, un artiste à la fois peintre, auteur de chansons peut adhérer à la SAIF et à la SACEM. Il est également possible de démissionner d’un OGC pour adhérer à un autre du même secteur.
Pour conclure cet entretien, quelle est la position de la SAIF concernant les intelligences artificielles génératives ?
Conformément au dispositif légal, nous avons exprimé notre opposition à l’utilisation des œuvres de notre répertoire par les opérateurs d’intelligence artificielle. Nous travaillons activement sur ce sujet. Depuis un an, l’ensemble des ayants droit a réalisé un travail important, c’est très positif. L’Union européenne vient d’adopter un règlement sur l’intelligence artificielle, l’IA Act. Ce règlement impose la transparence sur les sources et le respect du droit d’auteur, ce qui n’était pas prévu dans le projet de texte initialement. Ce dispositif devrait obliger les opérateurs d’intelligence artificielle à communiquer sur les données qu’ils ont exploitées pour entraîner leurs outils. Il est crucial pour nous d’obtenir des informations fiables afin de pouvoir négocier des rémunérations.
Au niveau français, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a été mandaté par la ministre de la Culture pour réfléchir à des dispositifs visant à rétribuer les auteurs. Nous étions très inquiets, mais nous le sommes moins maintenant, car les pouvoirs publics ont rapidement pris en main ce dossier.
Quel conseil donneriez-vous aux artistes-auteurs ?
D’adhérer à un OGC, sans aucun doute ! Aujourd’hui, la SAIF représente près de de 8 500 auteurs, tandis que l’ADAGP en représente 17 000. Cela correspond à environ un quart des auteurs des arts visuels, il reste donc encore beaucoup de marge. N’oubliez pas qu’en adhérant, vous bénéficiez des rémunérations générées par les droits collectifs ; il serait dommage de s’en priver. Enfin, plus il y a d’auteurs membres des OGC, plus les OGC sont représentatifs et susceptibles de mieux négocier et d’être plus écoutés par les pouvoirs publics. Adhérer est indispensable, et cela ne coûte que 15,24 €. Il faut adopter ce réflexe !
Quelques OGC français à connaître
Pour l’écrit et l’audiovisuel
- La SCAM : société civile des auteurs multimédia
- La SOFIA : société française des intérêts des auteurs de l’écrit
- La SACD : société des auteurs et compositeurs dramatiques
Pour la musique
- La SACEM : société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
Pour les arts graphiques et plastiques
- L’ADAGP : la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques.
- La SAIF : la société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe.
Pour aller plus loin
* Pour en savoir plus sur les droits d’auteur, lisez mon article réalisé en collaboration avec Me Bouzayen : comment faire une cession de droits d’auteur
Source juridique sur les OGC : articles L321-1 à L328-2 du Code de la propriété intellectuelle
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L’AUTEURE
Valérie Auriel
Artiste peintre et journaliste, Valérie est une grande curieuse, assez perfectionniste (limite maniaque 😉 ). Elle met en synergie ses deux expériences professionnelles pour débroussailler la jungle administrative des métiers des arts visuels, explorer leurs coulisses. Et elle partage avec vous ses connaissances pour que vous exerciez votre art en toute sérénité !
Un grand merci Valérie pour cet article très intéressant et qui répond à mes interrogations. Il me semblait en effet indiqué d’adhérer à un OGC, mais en cherchant quelquefois sur leurs sites, je ne trouvais pas de réponse suffisamment précise, notamment pour savoir si tous les artistes étaient concernés : j’ai eu le sentiment qu’il y avait comme un « recrutement » parmi les artistes suffisamment connus déjà par des publications ou des expositions en musée, et que tous les artistes, notamment au début de leur carrière, n’étaient pas acceptés…
Bravo pour cet excellent article Valérie, je suis toujours étonnée du grand nombre d’artistes non membres d’un OGC. Cela doit venir du fait que peu sont syndiqués peut-être, ou qu’ils n’ont pas bien compris le fonctionnement et l’intérêt d’être sociétaire pour protéger ses droits d’auteur mais aussi d’avoir des interlocuteurs disponibles et fiables. Je suis sociétaire de la SAIF en ce qui me concerne et c’est vrai que c’est facile de les contacter, et que j’ai toujours des personnes agréables au bout du fil et par email. Quelque soit le choix, Agnès a raison, tout artiste a grand intérêt à être membre d’un OGC. Super article pour reprendre après l’été.