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Les artistes-auteurs et le droit au chômage

Les artistes-auteurs ne cotisent pas à l’assurance chômage et ne peuvent donc pas bénéficier d’allocations en cas de baisse d’activité. Pourtant, une proposition de loi vise à instaurer un revenu de remplacement pour ces travailleurs précaires. Si ce projet aboutit, il contribuera à une meilleure protection sociale des artistes-auteurs. Je vous explique tout ce qu’il faut savoir sur la question…

Pas d’allocations chômage pour les AA

Première chose à savoir. Les artistes-auteurs sont considérés comme des travailleurs indépendants. Vous ne cotisez pas pour le risque chômage et donc, vous ne vous ouvrez pas de droits pour l’assurance-chômage avec votre activité artistique.

Un cumul possible

Cependant, si vous avez eu une activité salariée, vous pouvez cumuler des allocations chômage ouvertes grâce à cette activité avec vos revenus d’artiste auteur sous certaines conditions. J’ai écrit un article à ce sujet avec l’aide de Yann Gaudin, spécialiste de la question. Les relations avec France Travail étant parfois compliquées du fait de la méconnaissance de notre régime, vous devez vous-même être bien au courant de vos droits.

loupe bleue

Connaissez-vous l’ASS ?

L’allocation de solidarité spécifique (ASS) est une aide versée par France Travail aux chômeurs en fin de droits sous conditions de ressources. Les artistes-auteurs peuvent aussi en bénéficier, bien qu’ils soient des travailleurs non salariés. Ce droit est défini par l’article L 5423-3 et l’article D 5424-62 du Code du travail.

Pour bénéficier de l’ASS en tant qu’artiste auteur, vous devez être inscrit à l’Urssaf du Limousin et à France Travail, être à la recherche d’un emploi salarié, et ne pas dépasser un certain montant de revenus. Les ressources mensuelles (calculées sur la moyenne des 12 derniers mois) ne doivent pas être supérieures à 70 fois l’indemnité journalière pour une personne seule et 110 fois pour un couple. C’est un peu flou ? Je vous aide… En 2025, l’indemnité de l’ASS est de 19,01 € par jour. Cela veut dire que si vous êtes célibataire, il ne faut pas dépasser un plafond de ressources mensuelles supérieur à 1330,70 € (70 x 19,01 €). Et si vous êtes en couple, le plafond de ressources du ménage ne doit pas excéder 2 091,10 € (110 x 19,01 €). Les revenus artistiques sont pris en compte dans le calcul du seuil.

Si vous voulez en savoir plus sur l’ASS, vous pouvez consulter cet article du site service public qui vous en explique les bases. Le CAAP a également rédigé une fiche pratique très détaillée sur son application aux artistes auteurs.

idee, lampe, picto

Et si l’on changeait la donne pour créer un chômage pour les artistes-auteurs ?

De nombreuses organisations professionnelles souhaitent que les artistes-auteurs, à l’instar des intermittents du spectacle, puissent bénéficier du chômage, et donc d’une continuité de revenus. Une proposition de loi va dans ce sens. Elle est portée par le groupe GDR à l’Assemblée nationale et par le groupe écologiste au Sénat.

L’idée serait que les artistes-auteurs puissent s’inscrire à France Travail et bénéficier de l’assurance chômage à partir d’un revenu annuel équivalent à 300 SMIC horaire, soit 5 564 euros brut en 2025. Le calcul pour ouvrir les droits pourrait être effectué sur deux ans (600 SMIC horaire) ou sur trois ans (900 SMIC horaire) pour compenser les grandes variations de revenus de nos activités.

L’allocation perçue par les AA indemnisées serait un pourcentage de leurs revenus d’activités sur les 12 derniers mois, avec un montant minimum correspondant à 85 % du SMIC. La mesure serait financée par une augmentation de la contribution diffuseurs, qui est actuellement très faible et qui serait portée de 1,1 % à 5,15 %. Rappelons que cette contribution vient en sus du prix de vente encaissé par l’artiste, et donc ne le pénalisera pas. Pour que le financement soit optimum, il faudrait sans doute augmenter les contrôles sur les diffuseurs qui ne payent pas toujours cette contribution sans qu’ils soient inquiétés.

Dans un article paru dans le Journal des arts, l’un des membres du groupe de travail qui planche sur ce revenu de remplacement estimait que si la mesure était adoptée, 76 000 artistes-auteurs pourraient toucher un revenu de remplacement.

Des solutions envisagées dans d’autres pays

Cette proposition de loi peut sembler illusoire, surtout avec la conjoncture qui va plutôt vers la réduction des aides sociales. Mais il faut savoir que plusieurs pays réfléchissent à des solutions semblables.

La Belgique a ainsi créé en 2024 une allocation spécifique pour les « travailleurs des arts », qui peut concerner les artistes-auteurs. Pour en bénéficier, il faut notamment justifier d’au moins 156 jours de travail sur une période de 24 mois. Pour calculer le nombre de jours, il faut diviser les rémunérations brutes par 1,26 du salaire mensuel de référence (l’équivalent de notre SMIC). On additionne les revenus artistiques aux autres revenus pour calculer l’indemnité. L’allocation est accordée pour 36 mois maximum.

L’Irlande a créé en 2022 un régime pilote expérimental de 3 ans d’un « revenu de base pour les arts » qui concerne un nombre limité d’artistes sélectionnés sur dossier. La ville de San Francisco, aux États-Unis, avait mis en place pendant le covid un revenu de base universel pour les artistes. Les Canadiens, quant à eux, réfléchissent à un revenu de base universel dont pourraient bénéficier les artistes.

« Nous devons bénéficier des mêmes droits que les autres travailleurs »

Pour nous expliquer ce que pourrait être un revenu de remplacement pour les artistes-auteurices, le Guide de l’Artiste a interviewé Jaufré Vessiller Fonfreide, traducteur, membre du STAA/CNT-SO, le syndicat des travailleur-ses artistes auteur-ices qui a participé au groupe de travail pour l’élaboration d’une proposition de loi pour la continuité de revenus

Pour en savoir plus sur la proposition de loi et trouver le modèle de courrier à envoyer à vos élus : https://continuite-revenus.fr/

Jaufré Vessiller Fonfreide : Les artistes-auteurices sont des travailleurs et travailleuses privés d’accès au chômage. Or, le secteur artistique est marqué par une grande précarité, avec un recours massif à l’allocation spécifique de solidarité et au RSA. Le ministère de la Culture estime à 10 000 le nombre d’artistes-auteurices au RSA, mais ce chiffre semble sous-évalué. En 2019, au festival de la bande dessinée d’Angoulême, sur 200 auteurs, 150 étaient au RSA, soit les trois-quarts.
Nos revenus sont de plus irréguliers, alors que nos charges ne le sont pas. Nous devons payer un loyer chaque mois, nous devons nous nourrir même si nous n’avons pas effectué de ventes. Nous devons donc bénéficier des mêmes droits que les autres travailleurs pour faire face aux aléas de nos activités. Une meilleure protection offrirait aussi plus de moyens pour refuser des propositions indécentes, que ce soit en matière de tarif ou de délai. Ce serait une façon de lutter contre les demandes abusives auxquelles nous sommes souvent confrontés.

Qui toucherait ce revenu ?

Il concernerait tous les artistes-auteurices pouvant justifier d’un revenu annuel équivalent à 300 heures SMIC, soit environ 3 500 € par an. L’affiliation à l’Urssaf du Limousin serait requise pour bénéficier de cette mesure. Chaque année, à la date anniversaire du début de l’indemnisation, les revenus des 12 derniers mois seraient réexaminés pour décider des nouveaux droits.

Cette mesure est-elle comparable au régime de l’intermittence ?

Oui, dans son principe. Nous demandons une intégration à l’Unedic, l’organisme chargé de la collecte des cotisations et du versement des allocations chômage à l’ensemble des travailleurs et travailleuses, via une nouvelle annexe. Les intermittents sont régis par les annexes 8 et 10 ; les artistes-auteurices pourraient relever d’une annexe 11. Administrativement, nous sommes déjà assimilés aux salariés pour l’assurance maladie et la retraite, avec un mode de calcul basé sur les heures SMIC. Cette logique pourrait donc être étendue au chômage sans difficulté.

Les artistes-auteurs inscrits à France Travail devraient-ils chercher un emploi ?

Cette mesure mettrait fin à l’injonction absurde faite aux artistes-auteurices de chercher un « vrai travail ». Trop de conseillers de France Travail ne comprennent pas que l’activité artistique est une activité professionnelle à part entière.

Comment ce revenu de remplacement serait-il financé ?

Le financement passerait par une augmentation de la contribution diffuseur. Elle est actuellement de 1,1 %, à laquelle s’ajouterait une cotisation pour le régime d’assurance chômage de 4,05 %, alignée sur le taux de contribution du régime général. Le montant total serait ainsi de 5,15 %. Cette hausse raisonnable ne mettrait pas les diffuseurs en péril.
L’Unedic n’a qu’une caisse d’assurance chômage commune à tous les travailleurs. Même si le régime des artistes-auteurices était déficitaire, cela ne remettrait pas en cause le système, car les comptes de l’Unedic sont excédentaires. De plus, tout le monde ne demanderait pas d’indemnisation, comme par exemple les artistes-auteurices ayant aussi une activité salariée, ce qui limiterait le coût réel de la mesure.

Où en est cette proposition de loi ?

Celle-ci a déjà été présentée au Parlement en 2024, mais la dissolution de l’Assemblée a interrompu son parcours. Le rapporteur de la proposition, Pierre Dharréville, n’ayant pas été réélu, il a fallu reprendre les démarches. La proposition a depuis été déposée à l’Assemblée nationale et, nouveauté, également au Sénat.
Elle devrait prochainement être examinée en « mission flash », une procédure accélérée pour faciliter son entrée en commission des affaires sociales.
Lors de la première présentation, nous avions obtenu un large soutien, sauf du RN que nous ne sollicitons pas. Cette fois, il est plus difficile d’obtenir des engagements, mais le projet avance, notamment grâce à notre présence au Sénat.
Les artistes-auteurices peuvent interpeller leurs députés et sénateurs via notre site internet, où un modèle de courrier est disponible. Plus nous aurons d’appuis, plus nous aurons de chances d’obtenir un passage fluide en commission.
En 2024, une tribune en ligne avait reçu un fort soutien. Actuellement, le secteur culturel est très mobilisé en particulier à cause de la baisse du seuil de franchise en base de TVA, de la réforme du RSA et la réduction des budgets culturels. Ces débats offrent une opportunité pour mettre en avant notre proposition.

Existe-t-il des exemples similaires à l’étranger ?

La Belgique a mis en place une allocation du travail des arts, proche du régime de l’intermittence. Cependant, cette mesure est aujourd’hui menacée par les nationalistes flamands, qui souhaitent réduire les dépenses culturelles. En Irlande, une autre approche a été adoptée avec un revenu de base pour les artistes, mais qui est différent du revenu de remplacement que nous proposons. Si la France adoptait cette loi, elle deviendrait un modèle pour les pays voisins et plus lointains.

Avez-vous bon espoir ?

Nous avançons, même si le contexte politique reste incertain. L’adoption de la loi dépend de nombreux facteurs, mais la question progresse, tant auprès des artistes que des responsables politiques qui sont de mieux en mieux informés. Si la loi n’est pas votée cette fois, nous la reproposerons. Ce qui semblait utopique il y a quelques années est désormais concret.
En conclusion, je souhaite rappeler deux principes fondamentaux que nous défendons. Le droit à un revenu de remplacement doit être accessible à tous les travailleurs et donc aux artistes-auteurices. La culture fait partie intégrante de l’économie et génère d’importantes richesses.
Enfin, il est essentiel de rester optimistes. Nous progressons, parfois lentement, parfois plus rapidement, mais nous avançons !


illustration, dictionnaire, personnage lisant

Pour aller plus loin

Les articles du Code concernant l’ASS :


Le chômage et vous

Touchez-vous des allocations chômage en plus de vos revenus artistiques ? Que pensez-vous de cette proposition de loi pour un revenu de remplacement ? Avez-vous sollicité votre député ou sénateur ?

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L’AUTEURE

Valérie Auriel

Artiste peintre et journaliste, Valérie est une grande curieuse, assez perfectionniste (limite maniaque 😉 ). Elle met en synergie ses deux expériences professionnelles pour débroussailler la jungle administrative des métiers des arts visuels, explorer leurs coulisses. Et elle partage avec vous ses connaissances pour que vous exerciez votre art en toute sérénité !

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